La Russie reprend ses exportations de pétrole vers la Biélorussie


La Biélorussie a fait un geste dans la guerre commerciale qui l'oppose à la Russie depuis le 8 janvier en renonçant à la taxe de transit (45 dollars par tonne) imposée depuis le début de 2007 sur le brut russe passant par son territoire, une concession exigée par Moscou comme préalable à la tenue de pourparlers.

Annoncée par Minsk, mercredi 10 janvier, la suppression de cette taxe dont l'instauration est jugée inacceptable par la Russie a été obtenue après un entretien téléphonique entre le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, et son homologue russe, Vladimir Poutine. Peu après, l'oléoduc Droujba ("Amitié"), qui alimente l'Europe (Allemagne, Pologne, Slovaquie, République tchèque, Hongrie) en pétrole russe, via la Biélorussie, s'est remis à fonctionner. Moscou a recommencé jeudi matin à l'alimenter en pétrole, comme l'a fait savoir Sergueï Grigorev, le vice-président du monopole russe des oléoducs Transneft, cité par l'agence de presse Ria Novosti.

A Moscou, la délégation biélorusse attend de pied ferme l'ouverture des pourparlers. Jusque-là, les négociateurs venus de Minsk avaient été reçus fraîchement. L'un d'eux, le vice-ministre biélorusse, Vladimir Naïdounov, avait dû, mardi 9 janvier, rester dans le hall du ministère russe du développement économique, et n'a pas été reçu.
Plus chanceux, le vice-premier ministre biélorusse, Andreï Kobiakov, avait pu s'entretenir avec Guerman Gref, le numéro un du ministère, mais sans résultats. Après la conversation téléphonique entre les deux présidents, les négociations vont pouvoir s'engager. Elles porteront avant tout sur la taxe de 180 dollars par tonne de pétrole imposée en décembre par Moscou sur ses exportations d'hydrocarbures vers la Biélorussie.

Selon un accord signé en 1991, la Biélorussie doit en effet céder à la Russie 85 % des taxes perçues sur l'or noir raffiné et revendu, et conservait 15 % pour elle. Mais depuis 2001, Minsk capte tout le produit des ventes. Les négociateurs russes vont tout faire pour revenir à l'accord de 1991. De leur côté, les Biélorusses jouent avec le feu en s'exposant à des mesures de rétorsion de la part de la Russie qui a menacé de revenir sur les accords d'union douanière entre les deux pays, alors que la Biélorussie exporte 90 % de sa production (téléviseurs, camions, tracteurs) vers son grand voisin.

C'est sur l'énergie russe à bas prix qu'Alexandre Loukachenko a bâti ce que Stanislav Bogdankievitch, ex-président de la banque centrale biélorusse, qualifie de "miracle économique en trompe-l'oeil". "Pour les neuf derniers mois de 2006, la productivité a crû de 9 % et le salaire de 19 %. C'est ainsi que le pouvoir achète les électeurs. Dans l'ensemble, la population lui est reconnaissante", explique-t-il.

C'est grâce à cela que l'autoritaire président biélorusse a été réélu le 19 mars 2006, avec 82,6 % des voix au terme d'un processus électoral non conforme aux standards internationaux. Mais sa popularité est réelle. Sera-t-elle entamée par la crise actuelle ? Les élections municipales organisées le 14 janvier en Biélorussie ne permettront pas d'en juger, car "la pression exercée par les autorités est énorme", a dénoncé, dimanche, l'opposant Alexandre Milinkevitch.

Prêt à tout pour se maintenir au pouvoir, Alexandre Loukachenko n'est plus en odeur de sainteté au Kremlin où il s'est rendu à neuf reprises en 2006. "La Russie a subventionné la Biélorussie pendant des années. Elle était prête à continuer, à condition que la fusion de nos deux Etats ait lieu. Ce n'est pas une idée en l'air. Après tout, nous avons l'exemple de l'Union européenne ou celui de la Chine et de Hongkong. Nous pouvons nous unir sur le principe : un pays, deux systèmes. Mais Loukachenko n'en veut pas. Dans ce cas, plus de subventions !", expliquait récemment Sergueï Markov, le politologue officiel de l'administration présidentielle russe.


Source: Le Monde

No comments: