Suez et GDF à l'épreuve du risque constitutionnel


SUEZ et Gaz de Francen'en ont pas fini avec les aléas juridiques. Une semaine après la décision de la cour d'appel d'obliger GDF à reporter le conseil d'administration destiné à entériner la fusion, c'est maintenant au Conseil constitutionnel de se prononcer. Il dira en principe jeudi si, oui ou non, l'article 10 de la loi sur l'énergie votée le 8 novembre dernier est conforme à la Constitution. Cette nouvelle échéance entretient une certaine tension. Alors qu'une grande confiance régnait voici encore peu dans les états-majors des deux groupes, l'épisode de la cour d'appel les incite à la plus grande prudence. Désormais, plus personne ne veut jurer de rien.

Saisi par des parlementaires de gauche, le Conseil constitutionnel doit évaluer la validité de la privatisation de Gaz de France à la lumière de l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 auquel renvoie celle de 1958. Lequel stipule que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Le texte a beau être limpide, les interprétations sont nombreuses. Il y a ceux pour qui l'énergie, à travers les opérations de transport et de distribution, relève intégralement du service public. Pour eux, le changement de statut de GDF est tout simplement impossible. Ce scénario catastrophe est pris au sérieux au plus haut niveau de l'État. Certains opposants au projet s'en réjouissent déjà, à l'image du député UMP Nicolas Dupont-Aignan, pour qui « le copinage des milieux d'affaires avec la sphère politique a conduit à ce fiasco ».

La gestion de l'eau déjà confiée au privé

Pour les autres, qui croient encore à l'aboutissement du projet Suez-GDF, il apparaît impensable que le Conseil constitutionnel torpille la fusion. « Les Sages prennent souvent des décisions d'opportunité, qui tiennent compte du contexte ambiant », relève un observateur. Autrement dit, le Conseil constitutionnel ne prendrait pas le risque de déjuger le gouvernement qui, depuis plusieurs mois, n'a pas ménagé ses efforts en faveur de la fusion. D'autant que si l'on interprète de manière restrictive l'alinéa 9, seuls quelques services publics sont inscrits dans la Constitution : l'armée, les forces de police, la Sécurité sociale ou encore la justice. Ceux-là ne peuvent en aucun cas être privatisés. Pour le reste, rien n'empêche un système de concession ou de délégation de service public. Bien au contraire. Dans le cas du service public de l'eau, 71 % de la population française est desservie par des opérateurs privés. Sans compter qu'en matière de transport de gaz, le pétrolier Total dispose en France de quelque 5 000 km de canalisations.

Par ailleurs, « peut-on véritablement statuer sur une opération économique du début du XXIe siècle en se référant à un texte du siècle dernier qui ignore tout des dernières évolutions du secteur énergétique ? », interroge une source proche du dossier. Cette affirmation est d'autant plus justifiée qu'à partir du 1er juillet 2007, le marché européen de l'énergie sera entièrement libéralisé.
Source: Le Figaro

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